L’impunité des auteurs de violences et le manque de protection des victimes restent d’actualité

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Suite à son intervention publique à la Chambre des députés le 2 juillet dernier, la Voix des Survivant(e)s veut alerter les pouvoirs publics sur deux jugements problématiques supplémentaires récemment rendus au Luxembourg, qui ont fait l’objet d’articles de presse. En effet, ils posent de graves questions en matière de protection des victimes de violences sexuelles.

  1. Affaire impliquant du matériel d’abus sexuel d’enfants

Dans la première affaire, décrite dans un article de Luc Caregari publié le 25 septembre 2025 sur Reporter.lu, un père a fait l’objet d’une enquête pour possession, téléchargement et diffusion de matériel d’abus sexuel d’enfants (« CSAM ») à la suite d’un signalement d’Europol. L’enquête a établi qu’il avait téléchargé et partagé des contenus CSAM via une adresse internet luxembourgeoise.

L’article indique que le père a été placé en détention préventive pendant deux mois à partir de mai 2023 et libéré sous strictes conditions, dont l’interdiction de tout contact avec des mineurs, y compris ses propres enfants, et l’obligation de suivre une thérapie. Par la suite, certaines restrictions ont été assouplies pour permettre des visites encadrées au « Service Treff-Punkt », mais les enfants y participent avec réticence.

L’affaire révèle également que le père avait créé un photomontage à partir d’une photo de son enfant, qu’il aurait partagé avec d’autres hommes via WhatsApp, parmi le matériel saisi.

Malgré ces éléments, la justice a maintenu le droit de visite encadrée du père, alors même que leur mère demande une suspension des contacts avec lui et qu’une évaluation indépendante de la situation soit réalisée par l’association Alupse, subventionnée par le ministère de la Santé et spécialisée dans le soutien psychologique des enfants et familles en crise.

Ce cas met en évidence la lenteur des procédures, la prééminence accordée aux droits parentaux des auteurs de violences et l’insuffisance de la prise en compte de l’opinion des enfants, même face à des éléments matériels particulièrement graves.

2. Jugement relatif à une agression sexuelle à la fête du vin « Picadilly » 

Dans la seconde affaire, notamment décrite dans des articles de L’essentiel, de RTL et de Virgule publiés en août 2025, un policier a été reconnu coupable d’agression sexuelle sur une femme qu’il ne connaissait pas, lors de la fête du vin Picadilly à Stadtbredimus en août 2024. L’auteur aurait agressé sexuellement la victime devant une tente, la saisissant par le corps, les hanches, les fesses et les parties génitales, alors qu’elle se défendait activement. Il ne l’a relâchée que lorsqu’un agent de sécurité est intervenu. Dix minutes après sa déclaration à la police, l’agresseur est réapparu auprès de la victime avant d’être renvoyé du site. La peine prononcée en première instance est de 15 mois de prison avec sursis intégral, assortie d’une amende de 5.000 euros et du versement de 3.000 euros de dommages et intérêts à la victime.

Il est important de souligner que le policier condamné n’aurait pas perdu sa fonction, étant donné que la législation luxembourgeoise prévoit la perte du statut d’agent public uniquement lorsque la peine prononcée est d’au moins un an de prison ferme.

Au vu de la gravité des faits et du devoir d’exemplarité lié à sa fonction, ce jugement interpelle sur le manque de fermeté appliqué dans des situations de violences sexuelles commises par des forces de l’autorité publique.

Nos propositions de réforme

Au sein de nos propositions concrètes de réforme réside un moyen de remédier aux failles constatées dans ces jugements. Nous revendiquons notamment :

  • la suspension de l’autorité parentale et du droit de visite en cas de soupçon ou de condamnation pour violences sexuelles ;
  • la suppression du sursis automatique pour les agresseurs sexuels, afin de garantir une justice dissuasive et réparatrice ;
  • un renforcement du dispositif d’accueil et d’accompagnement des victimes, axé sur la centralisation, la pluridisciplinarité et l’écoute spécialisée ;
  • une priorité effective à l’intérêt supérieur de l’enfant et à la voix des victimes dans toute prise de décision judiciaire.

En outre, la Voix des Survivant(e)s rejoint l’appel de l’Ombudsman pour les droits de l’enfant (OKAJU), Charel Schmit, exprimé dans l’article de Luc Caregari, en faveur d’une évaluation systématique des risques dans les affaires impliquant du CSAM.

L’urgence d’une réforme

Les deux exemples de jugements ci-dessus illustrent les limites du système actuel et montrent à quel point il est essentiel que l’impunité des auteurs de violences cesse : la loi doit urgemment être réformée et devenir clairement dissuasive et préventive. La priorité à la protection des victimes est la condition d’une justice réellement réparatrice et d’une société plus sûre, en rupture avec les normes sociales préjudiciables encore trop imprégnées de patriarcat et d’adultisme.

Nous estimons qu’il est crucial d’accélérer le processus de réforme de la loi en vigueur. La Voix des Survivant(e)s asbl reste à disposition de la Chambre des députés pour approfondir et accompagner cette réforme, afin de bâtir une société et une justice dignes de la confiance des personnes mineures ou majeures victimes de violence.

 

A noter : En juillet 2025, lorsque les membres du groupe « Justice » de La Voix des Survivant(e)s asbl ont présenté à la Chambre des députés leur proposition de réforme intégrale et organique afin de lutter contre les violences fondées sur le genre et leur impact sur les enfants co-victimes, les députés leur ont demandé de leur transmettre une liste de jugements problématiques qu’elles avaient compilée. Ce communiqué met à jour cette liste.